Demain la Greffe a souhaité réagir à la publication récente par l’Agence de la biomédecine de son Rapport d’information au parlement et au gouvernement
Ce document se donne pour objectif d’identifier les progrès qui se dessinent dans ses domaines de compétence, qu’il s’agisse d’avancées scientifiques, d’améliorations cliniques ou d’innovations thérapeutiques, afin d’assurer une information permanente du Parlement et du Gouvernement sur le développement des connaissances et des techniques.
Or, les éléments d’information relatifs au don et à la greffe d’organes nous sont apparus incomplets et biaisés, en particulier ceux relevant du chapitre « Reculer les frontières de la greffe ».
On peut tout d’abord s’étonner qu’aucune mention ne soit faite de la greffe rénale à partir de donneurs vivants, pourtant affichée en tant que voie prioritaire de développement du pool de donneurs par l’Agence de la biomédecine.
Les connaissances dans ce domaine ont pourtant progressé ces dernières années, notamment en ce qui concerne le devenir des donneurs (avec la publication en 2009 et 2010 de 2 études sur les conséquences à long terme du don [1]), la disponibilité récente des résultats préliminaires de la première étude française sur la qualité de vie des donneurs vivants, dont les résultats sont particulièrement rassurants, l’apparition de nouvelles techniques chirurgicales moins invasives pour le prélèvement, le développement au plan international de programmes de dons croisés et altruistes, la mise en place par la communauté internationale d’une structure visant à lutter contre le commerce des organes, le trafic et le tourisme de transplantation, etc.
Les pages consacrées aux organes artificiels appellent également un certain nombre de remarques, en particulier le paragraphe consacré aux progrès de la dialyse.
En effet, les avancées considérables qui y sont évoquées sont tout à fait hypothétique, en l’état actuel des choses. Si ces technologies font l’objet de recherches depuis de longues années, il est exagéré de présenter leurs applications cliniques comme imminentes.
Pourtant, le texte publié va jusqu’à affirmer que « … l’amélioration de la dialyse pourrait avoir pour conséquence que la place de la greffe dans la prise en charge de l’insuffisance rénale puisse être rediscutée, à la lumière de la situation actuelle de pénurie de greffons. ».
Cette assertion est particulièrement dommageable, puisqu’elle est de nature à induire des croyances erronées auprès des lecteurs du rapport, laissant entendre que la pénurie de greffons rénaux est en passe de trouver une solution à court terme.
Dès lors, le risque est grand que la nécessité de développer des stratégies de lutte contre la pénurie apparaisse nettement moins impérieuse à nos parlementaires.
Cet état de fait est tout à fait préoccupant, en cette période de révision de la loi de bioéthique.
Pour ces raisons, nous avons souhaité adresser à Emmanuelle Prada-Bordenave ce courrier, lui demandant notamment de nous préciser quelles démarches l’Agence de la biomédecine entendait mettre en oeuvre pour éviter de telles incompréhensions, susceptibles de porter directement préjudice aux malades en attente de greffe.
1. Hassan N. Ibrahim, M.D., Robert Foley, M.B., B.S., LiPing Tan, M.D., Tyson Rogers, M.S., Robert F. Bailey, L.P.N., Hongfei Guo, Ph.D., Cynthia R. Gross, Ph.D., and Arthur J. Matas, M.D., « Long-Term Consequences of Kidney Donation », N Engl J Med 2009;360:459-69 Segev DL, Muzaale AD, Caffo BS, Mehta SH, Singer AL, Taranto SE, McBride MA, Montgomery RA. Perioperative mortality and long-term survival following live kidney donation. JAMA 2010 ; 303 : 959-966